Monsieur le Ministre,
Depuis le début de la crise sanitaire et “l’explosion“ malheureuse des cas avérés de personnes contaminées au COVID-19, la schizophrénie s’est emparée du gouvernement auquel vous appartenez. Nous n’oublierons pas les déclarations hasardeuses de l’ “EX.” ministre des solidarités et de la santé Agnès BUZYN le 24 janvier dernier qui aura démontré, avant sa fuite, tout l’amateurisme d’un gouvernement aux abois.
Sans même attendre les déclarations du Premier Ministre relatives au “déconfinement”, cette crise inédite appelle de notre part la volonté de faire un certain nombre de constats objectifs et des propositions constructives afin de préparer ce qu’il convient désormais de qualifier “l’après”.
Au préalable, nous souhaitons que les engagements pris pour les sapeurs-pompiers professionnels soient maintenus dans les délais qui nous avaient été annoncés et notamment celui sur lequel vous vous étiez engagé personnellement, Monsieur le Ministre, la modification du décret 90-850 permettant la revalorisation de l’indemnité de feu assujettie à une nouvelle exigence Autonome, avec un effet rétroactif au 1er février 2020. Nous n’accepterons pas le moindre aménagement ou le moindre retard car vos réponses apportées répondaient à des problématiques anciennes et légitimes ! Nous avons d’ailleurs rappelé cette exigence à Monsieur Olivier RICHEFOU lors de la réunion d’échange par visioconférence avec certains membres de la CNSIS ce jour 24 avril.
Depuis le mois de février, nous avons fait un certain nombre de constats qui témoignent de dysfonctionnements réels au sein de l’Etat comme des SDIS:
A. L’absence de reconnaissance des sapeurs-pompiers, mépris de ces combattants de la première ligne engagés dès la première heure dans cette guerre sanitaire…
Pour preuve, certains en ont déjà payé le prix. C’est pourquoi nous souhaiterions connaître dans les meilleurs délais le nombre de sapeurs-pompiers qui ont été infectés par ce virus, le nombre de sapeurs-pompiers précautionneusement placés à l’isolement, les effets de la crise sur l’activité opérationnelle des SDIS et le nombre de personnes atteintes par le virus (réelles ou supposées) transportées par nos services depuis le mois de février.
– Une organisation du secours d’urgences obsolète : le secours d’urgence aux personnes a montré au cours de cette crise la nécessité d’une réforme. Des aveux du Président de la république, seuls les soignants sont impliqués, les sapeurs-pompiers n’y jouant pas un rôle majeur… Ce commandement bicéphale du secours d’urgence aux personnes durant cette crise a démontré sa complexité et sa fragilité. C’est pourquoi, il nous apparaît nécessaire de clarifier la répartition des compétences alors que le secours à personnes représente 84% de nos missions ;
B. Une gestion des EPI inacceptable !
– L’insuffisance des stocks : les trop fortes tensions relatives à l’utilisation des stocks de masques, comme des blouses et des lunettes de protection individuelle sont en tout point inacceptables. Les réquisitions de l’État n’auront pas suffi à équiper l’ensemble des personnels soignants malgré le fait d’avoir écarté les sapeurs-pompiers pourtant en première ligne. La France ne peut être dépendant ou tributaire de ses partenaires commerciaux qui ont dû répondre aux mêmes problématiques. Ces irresponsables devront nécessairement répondre des errements avérés qui ont eu des conséquences graves sur la protection de la santé et de la sécurité des intervenants. La nécessaire reconstitution de réserves devra impérativement répondre à une doctrine pertinente.
C. L’équilibre des SDIS compromis
– Rupture de l’équilibre financier, financement des opérations de secours archaïques : Si l’impact financier n’est pas encore connu, il est certain que les seules collectivités territoriales ne peuvent pas répondre isolément à l’achat des matériels nécessaires à la sécurité et à la protection des sapeurs-pompiers en cas de crise sanitaire nationale majeure. L’organisation territoriale de la sécurité civile vient-elle de nous démontrer ses limites ?
S’il est acquis que les SDIS doivent prendre en charge les opérations de secours courantes, quid du paiement des dépenses liées à la pandémie au coronavirus ? A ce titre, il conviendrait que l’État soutienne les SDIS comme il s’est engagé à soutenir les entreprises (comme il s’était engagé à soutenir le monde de la finance en 2008…). Si l’État commande, l’État paye !
– Rupture de l’équilibre organisationnel : depuis la départementalisation des SDIS, notre profession s’est structurée notamment pour y intégrer toutes les sensibilités et les composantes nécessaires à la réalisation de nos missions. C’est pourquoi, les “képis rouges” du SSSM ont été accueillis et ont fait l’objet de cadres d’emplois professionnels dédiés aussi bien pour les médecins, les pharmaciens que les infirmiers.
Pour autant, l’organisation départementale des SSSM a-t-elle répondue à ses missions d’accompagnement et de soutien au sens de l’article R1424-24 du CGCT ? En effet, les services de santé sont organisés en trop grande partie avec des soignants sapeurs-pompiers volontaires qui étaient anormalement affairés à leurs activités principales et n’ont pu participer à leurs missions auprès des sapeurs-pompiers opérationnels ;
Au cours de cette crise nationale, les autorités en charge de la direction des opérations de secours et les autorités de police administrative n’ont pas su donner des consignes claires et homogènes sur tous les territoires de la République. Ce lien doit être inaltérable pour répondre à une crise sans précédent ;
C’est pourquoi nous croyons qu’il convient de faire certaines propositions:
● Redéfinir l’organisation de la réponse de la sécurité civile :
– Décliner jusqu’au niveau national l’organisation de la réponse de la sécurité civile : le dispositif ORSEC né de la loi MOSC du 13 août 2004 a touché ses limites au cours de cette crise. Il ne peut plus être à l’initiative des seuls préfets de département ou de zone. Il apparaît donc nécessaire d’y inclure un échelon national tant l’absence de verticalité des décisions prises depuis PARIS a fait défaut ;
– Associer les acteurs qui contribuent à la gestion de crise dans un plan de réponse unique et ambitieux : il est opportun de décloisonner la gestion de crise et d’adopter une ligne plus transversale qui associe tous les services qui y participent. La réponse de la sécurité civile doit être associée à la réponse sanitaire (ORSAN) en passant par la création spécifique d’une filière SUAP au sein des sapeurs-pompiers. Ceux qui soulagent et qui soignent doivent être réunis et associés pour une réponse moderne, contemporaine, unique et homogène que les usagers du service public sont en droit d’attendre.
● Établir une doctrine de commandement en cas de gestion de crise d’une ampleur nationale et/ou européenne :
La méthode de gestion opérationnelle et de commandement enseignée dans les écoles départementales des SDIS et à l’ENSOSP a vécu et ne peut plus se cantonner aux seuls sapeurs-pompiers.
C’est pourquoi nous pensons nécessaire de revoir ces méthodes qui doivent être partagées transversalement et qui permettrait de répondre efficacement aux gestions de crise les plus complexes ;
● Imposer par voie réglementaire l’obligation pour tous SDIS de formaliser un plan de continuité des activités opérationnelles et organisationnelles :
Sous l’autorité des préfets et sur la base d’une instruction ministérielle (semblable aux instructions budgétaires), tous les SDIS doivent être en capacité de formaliser leur plan de continuité des activités opérationnelles et administratives. Cette exigence ne peut s’aiguiser à l’épreuve des crises et mérite d’être préparée sereinement.
● Créer un établissement de soutien opérationnel sanitaire “ESOS” qui permettrait à la fois de mieux gérer les stocks de matériels nécessaires à la sécurité et à la protection des personnes engagés dans la lutte sanitaire (soignants, forces de sécurité intérieure, pharmaciens, sapeurs-pompiers, transporteurs sanitaires…). Il est impératif de créer, avec tous les professionnels, une véritable doctrine de gestion des matériels et équipements nécessaires qui pourrait être déclinée localement, régionalement et nationalement ;
● Renforcer le dispositif de santé et de protection des sapeurs-pompiers:
– instaurer une filière de dépistage systématique pour tous les sapeurs-pompiers engagés. Si la méthodologie relative aux tests n’est pas encore clairement fixée, il convient de déterminer la priorisation pour les sapeurs-pompiers.
– Inscrire le COVID-19 à la liste des maladies professionnelles : une exigence naturelle qu’il convient d’acter rapidement. Un geste fort à la fois vers ceux qui ont été engagés depuis le début et qui soulagerait leurs familles, toutes gagnées par l’anxiété ;
● Évaluer les conséquences psychologiques de la crise sanitaire permettant de proposer des mesures d’accompagnement aux sapeurs-pompiers comme à d’autres corporations qui auront à souffrir pendant de nombreuses années des suites de cette crise sanitaire qui n’épargnera personne.
● Limiter les impacts de la crise sur le déroulement de carrière des sapeurs-pompiers professionnels. A ce titre, nous souhaitons :
– Le maintien des concours et examens professionnels de toutes catégories dont les épreuves pourront être adaptées afin d’assurer les distanciations sociales ;
– La convocation des jurys des concours et examens en cours afin d’entériner les résultats acquis ;
– La tenue des CAP pour les catégories A et B comme la DGSCGC s’est engagée à le faire ;
Pour l’ensemble de ces raisons, la Fédération Autonome SPP-PATS souhaite être associée aux travaux et évaluations qui seront menés au terme de la crise sanitaire par le DGSCGC.
Demeurant dans l’attente de votre prompte réponse et des précisions que vous pourriez nous apporter quant à la gestion de cette crise sanitaire majeure, veuillez agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre très respectueuse considération.
Le Président fédéral, Xavier BOY